Attitude devant la maladie

Publié le par NOURRY Marie-Pierre

 

Vivre avec une maladie de Parkinson, c'est non seulement vivre avec les symptômes de la maladie plus ou moins bien contrôlés par les médicaments, mais aussi vivre avec les effets secondaires des médicaments , et encore vivre avec le regard des autres sur cette maladie.

Ceci peut s'avérer bien lourd à porter , et pour illustrer ceci   , voici quelques exemples :

- Le tremblement  de repos de la main par ex : Très gênant socialement ( regard des autres ) , mais qui reste peu gênant dans la gestuelle de tous les jours puisque c'est un tremblement de repos.

- La raideur et l'akinésie : Très gênant et douloureux pour le malade , mais peu visible extérieurement  . Par contre, une akinésie du visage peut être interprétée par les autres comme non pas le signe extérieur d'une maladie , mais le signe extérieur d'une humeur dépressive ou indifférente.

- La fatigue : Très gênante pour le malade - Peut être mal comprise par l'entourage , car c'est une fatigue fluctuante aléatoire , indépendante du sommeil . En gros , cela peut être interprété par "Tu es fatigué quand ça t'arrange !". Aucun traitement ne vient à bout de la fatigue parkinsonienne.

- Les troubles de l'équilibre et de l'élocution , très gênants socialement et qui donnent l'allure d'un alcoolique

- Les modifications du comportement inhérents à la maladie : dépression  essentiellement  avec la perte de confiance en soi qui l'accompagne , mais aussi hypersensibilité émotionnelle , anxiété , voire crises de panique ,

- Les effets secondaires moteurs des médicaments : les dyskinésies (mouvements involontaires)  qui deviennent  inévitables au bout de quelques années de traitement, très gênant bien sûr pour le malade , mais encore plus pour l'entourage qui est déstabilisé par ces mouvements involontaires , le malade lui-même étant mieux  en "on" qu'en "off".

Et enfin ,  les effets des médicaments sur le comportement , en particulier  la somnolence diurne soudaine et incontrolable ,  la tendance aux addictions comme effet secondaire des agonistes dopaminergiques . Ces effets secondaires liés aux médicaments sont  redoutables parce que mal évalués, se situant dans des domaines parfois tabous ( addiction au jeu, au sexe), et parce qu'ils peuvent avoir des conséquences redoutables : Accidents de voiture pour les endormisements soudains, vie familale et financière massacrés pour un bête souci de dosage d'un agoniste dopaminergique.  

Je n'ai pas parlé d'autres symptômes tels que la difficulté d'élocution , fluctuante dans la journée , les problèmes respiratoires ..et les problèmes  généraux ou associés : constipation, tension basse , hypo ou hyperthermie , etc ...

Autant dire qu'il vaut mieux être blindé pour rester une personne "saine et entière" lorsque l'on vit avec un parkinson.  On peut dire qu'en général  les parkinsoniens gardent toutes leurs facultés intellectuelles et leur lucidité même s'ils sont ralentis mais sont très affectés par tout ce qui est énuméré, à la fois dans leur ressenti intérieur et par rapport au regard de l'autre.  

De tout celà, le grand public finalement que sait-il ?  Très peu de choses à vrai dire , d'autant qu'extérieurement les personnes atteintes d'un parkinson sont très différentes , selon l'expression clinique de la maladie ( tremblante ou akinéto-hypertonique ) , selon l'impact de la maladie et de ses traitements sur le comportement .. Un tel sera très dyskinétique, un tel aura une addiction aux jeux inavouable , un tel sera très somnolent ...

De quoi y perdre son latin.

Devant cette situation si déroutante et pas facile à vivre , les malades désemparés ont tendance à se regrouper entre eux ,  parce qu'entre malades "on se comprend mieux" , parce que parfois tout ce vécu est trop difficile à faire comprendre à l'entourage proche ... et que les malades se retrouvent parfois isolés au sein de leur propre famille. De plus, les neurologues étant très peu disponibles ( 1200 neurologues en France , dont  une petite poignée réellement au courant des problèmes posés par la maladie) , il ne reste pour se faire comprendre et échanger que d'autres malades aussi desemparés qu'eux. C'est d'autant plus vrai que les patients sont jeunes et ont accès aux outis Internet : messagerie , etc ..

C'est ainsi que se créent des messageries , très intéressantes d'un point de vue sociologique et dans le domaine de la maladie de parkinson , ces messageries sont très actives, on comprend pourquoi.

Elles apportent beaucoup aux malades , en leur donnant un espace d'écoute et d'échanges.. Cela devient une communauté virtuelle de patients , un monde virtuel où on a exclu le "regard de l'autre" et on peut parler sans contraintes. Certains malades se raccrochent à leur communauté virtuelle de patients, comme à une famille, d'autant plus qu'ils sont seuls ou se sentent incompris de leurs proches. Cela peut même devenir pour certains un exutoire d'expression de la souffrance engendrée  par la maladie , puisqu'ils sont certains d'être écoutés et lus par tous ceux qui se taisent . 

Aurtant ce lieu d'échanges peut être bénéfique quand il est "à côté" de la vie du malade et lui permet d"avoir des informations sur les nouveaux traitements ou d'échanger sur des situations vécues , autant il peut avoir des effets pervers en participant à la désocialisation des malades , en les coupant du monde réel et du regard de l'autre, en polarisant l'attention des malades sur le seul sujet qui les intéresse : la Maladie ..Cela entretient donc l'idée de victimisation, déjà présente naturellement dans nos sociétés.

Il peut donc devenir aussi un objet de désocialisation des malade. et participer ainsi au lit de la maladie. 

Pour ma part, j'ai choisi une attitude volontairement accrochée au réel , car je crois que tout ce qui contribue à la désocialisation des malades rajoute une souffrance à la souffrance initiale.  Je me sens en partie responsable de l'évolution de ma maladie et du choix de son traitement, et  je ne me sens  victime d'aucune injustice. Je  suis responsable de ma vie , et je compte sur les garde-fous natuirels que sont mes proches et toutes les personnes que je cotoie dans le réel pour me "recadrer" si toutefois mon comportement  se trouve affecté par la maladie et ses traitements .  De temps en temps je m'exprime dans une messagerie , mais la plupart du temps je me tais. C'est ma façon de lutter .

Pour l'instant ça ne fonctionne pas si mal . Quelques amis parkinsoniens partagent , je le sais, ma façon de penser . C'est notre manière à nous d'organiser la résistance contre une guerre dont on ne sait pas combien de temps elle va durer : la guerre contre la maladie. 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans général

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Bonjour,<br /> Je viens de découvrir votre blog. Il y aura un an quasiment jour pour jour, le neurologue m'annonçait trè sèchement que j'étais atteint de la maladie de Parkinson à 53 ans. Très dur quand ont a vu son père souffrir jour aprè jour de cette putain de maladie.<br /> Vos descriptions des symptome secondaires sont d'une grand réalité. C'est vraiment ce que je vis depuis quelques mois.Je retrouve quasiment les mêmes souffrances. Comment expliquer que cela va bien aujourd'hui, que l'on est plein d'énergie, et que le lendemain ou l'heure suivante on est complètement KO.<br /> Merci pour ce Blog<br /> François
Répondre