La dépersonnalisation des malades

Publié le par NOURRY Marie-Pierre

J'ai souvent été frappée par l'attitude de certains couples , le plus souvent  la femme valide et l'homme atteint de parkinson ( mais on peut également trouver l'inverse), dont le comportement me semble complètement faussé par l'arrivée et la progression de la maladie.

Le malade perd petit à petit son statut de personne à part entière et devient dépendant totalement de son conjoint, jusqu'à ne plus s'exprimer du tout et laisser sa compagne parler à sa place. J'ai assisté ainsi à des réunions d'associations où , le couple étant présent , la parole du malade était confisquée par son conjoint qui parlait en son nom et à sa place de ses souffrances , mélangeant allègrement  celles du conjoint malade ( Il a du mal à se tourner dans son lit, ou alors il s'est fait mal en tombant .. ) et les siennes propres ( Je ne peux plus dormir , etc .. ). 

Il est certain que plus le malade est atteint dans son autonomie par la maladie, plus la souffrance du couple est intense et elle ne s'exprime alors  que par la bouche du conjoint valide, le malade lui-même semblant  ne plus pouvoir exprimer cette souffrance directement. Y a-t-il renoncé parce que ses difficultés d'élocution sont trop importantes ? ou alors, est-ce que se sentant complètement diminué , il n'a plus assez confiance en lui pour s'exprimer directement ? Est-ce une solution de facilité pour lui de laisser son conjoint parler à sa place ? 

Certains conjoints semblent aussi retirer de cette situation une sorte de compensation : Ils en retirent comme une espèce d'aura, leur courage et leur dévouement sont reconnus par les autres , ils se sentent indispensables et prennent une importance qu'ils n'auraient pas eu sans cette maladie. On peut se demander alors, qu'elle était la nature des liens qui unissaient le couple .  En effet, si confisquer la parole de l'autre et le réduire à sa dépendance peut constituer pour certains conjoints une attitude acceptable voire valorisante, on peut réellement s'interroger sur l'amour véritable qui lie les deux personnes. Inversement, certains conjoints valides, ne se sentant pas la force d'assumer la dépendance de l'autre , prennent la poudre d'escampette ..mais est-ce pour autant uniquement du desamour  ou simplement  la peur de ne plus savoir gérer des relations avec un conjoint  aimé mais devenu différent parce que dépendant ? 

J'ai remarqué aussi que , à progression de la maladie équivalente , des malades vivant seuls s'exprimaient mieux et avaient gardé toute leur autonomie sociale par rapport à des malades "bien accompagnés" par un conjoint valide . Est-ce le fait que ces personnes seules n'ayant d'autre possibilités de communiquer avec les autres se trouvent plus stimulées pour entretenir un lien social ?

Sans doute s'agissait-il de personnes qui vivaient seules depuis longtemps  et qui avaient donc une longue expérience de vécu seul avec la maladie . Il est difficile de généraliser, cependant, chacun étant dans une situation différente.

 Alors, faut-il en déduire que pour un malade, il vaut mieux être seul que mal accompagné ? Personnellement je ne suis pas loin de le penser.

Un conjoint valide aimant, quelquesoit les difficultés matérielles et sociales auxquelles il sera confronté, sera toujours enclin à voir et respecter la personne malade qui vit à ses côtés, à encourager son autonomie, à encourager sa prise de parole , à encourager son expression directe. En agissant ainsi, il agira contre la maladie .  Continuer à aimer quelqu'un qui devient de par la force des choses, de moins en moins autonome , celà peut sembler difficile. Le lien avec la personne risque de s'appauvrir petit à petit, les relations sexuelles devenir de plus en plus rares, la personne malade peut avoir tendance à se replier sur elle-même et ne plus s'intéresser à rien . Pour lutter pied à pied contre ces tendances, le malade devra faire lui-même des efforts et être encouragé dans son attitude par un conjoint qui va dans le même sens.

Le pire pour moi en tant que malade, c'est de penser qu'un jour,  mon conjoint  parle à ma place. Il n'y a pas pire possibilité que je puisse envisager.

 

 

Publié dans général

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C
J'adore cet article que j'aurais pu écrire car je partage entièrement cet avis. <br /> Merci <br /> Corinne 59/18
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R
Je suis avec toi.<br /> il faut toujours se mettre à la place de l'autre...<br /> Je te parlerai plus longuement bientôt.<br /> amitiés<br /> Roseline
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